Ce que nous dit la chronique de la Communauté


On se lance
Le 11 mai 1896, le Conseil d’Etat approuve les statuts de « l’Asile des pauvres », présentés par un Comité constitué en 1883.
Ayant déjà récolté presque Fr. 20’000. -, le Comité se trouve sommé, par un donateur, de se mettre au travail et promet Fr. 2200. – sous réserve de « mettre la main à l’œuvre, cet hiver même (1898) par la préparation et la conduite sur place des matériaux ».
Aussi, la construction démarre-t-elle en 1899… Dès le moi de novembre 1900, une partie du bâtiment, dont la « passade » pourrait être occupée dès le début de l’hiver. Le terme de «passade » mérite un brin d’explication. Cette «passade » donnait la possibilité à quelqu’un qui était «de passage » de rester une nuit dans la Maison. Cela rappelait évidemment l’idée du gîte qui était autrefois donné au pèlerin, tout au long de ses pérégrinations, dans les monastères, les couvents, les hospices…
Des débuts difficiles
Monsieur le révérend curé Lagger, président, adresse une demande à la maison mère d’Ingenbohl. A celles et à ceux qui seraient moins familiers de la dénomination exacte, rappelons qu’il s’agit en réalité des «Sœurs de la Charité de la Sainte-Croix ».
La réponse est rapide puisque le contrat est signé le 26 novembre 1900. Le 17 décembre 1900, Sœur Gerlinda et Sœur Silvina arrivent de la maison mère d’Ingenbohl. Les débuts sont difficiles : manque de nourriture, équipement sommaire, bâtiment encore en construction…
Les pauvres, les indigents, les sans-logis, les sans-famille trouvent désormais un toit, soit pour la nuit, soit pour les mois d’hiver. Dès 1901 déjà, il faudra aussi accueillir des malades.

L’inauguration et déjà des nouveautés
Le 17 novembre 1901 a lieu l’inauguration officielle de « l’Asile Saint-Joseph », avec la participation du « Männerchor de Sierre » et de la Gérondine.
Cette année, également, il y aura de la part du Comité, l’acceptation de personnes « à vie », pour le logement et pour la pension, moyennant une finance d’entrée de Fr. 4000. – à Fr. 5000. – et, parfois moins, selon les disponibilités de chacun…
Ce n’est qu’en 1906 que le Dr Gustave Turini arrive et qu’il pratique quelques opérations. En 1912, certaines améliorations sont apportées : installation d’un chauffage central au charbon, d’une machine à laver le linge, d’une conduite d’eau chaude pour la salle d’opérations, d’un nouveau potager et de trois lavabos.
Hôpital, Hospice, Asile ?
Devant l’ampleur de la tâche, la maison mère envoie du renfort : cinq religieuses desservent « l’Hôpital-Asile Saint-Joseph ».
En 1913, l’on dénombre le passage de 273 malades. Du 1er janvier au 1er juin 1914, le Dr Turini a pratiqué 105 opérations.
Le 1er août 1914, c’est la mobilisation générale : le Dr Turini doit partir. Après quelques mois de calme relatif, il faut accueillir des soldats malades et des ouvriers de l’usine de Chippis.
Cette année-là est installée la première salle de bains. La guerre expliquera également l’arrivée et le séjour de nombreux prêtres étrangers dans la Maison. Ils nous viendront de France, de Belgique, de l’Angleterre.
En automne 1915, le Dr Turini revient. Pendant quelques mois, il s’est perfectionné au Havre, en soignant des soldats français, grand-blessés de guerre.
L’année 1916 est marquée par une grave préoccupation. Les malades et les blessés sont de plus en plus nombreux à s’arrêter à Sierre avant d’aller en séjour de cure ou de convalescence à Montana.
La communauté s’agrandit encore : deux Sœurs sont envoyées pour les malades. En 1918-1919, l’Hôpital est en grande partie occupé par des militaires.
La Maison se transforme de plus en plus en « Asile-Hôpital ». En 1918, le tarif hospitalier est de Fr. 4. – par jour pour ceux qui ont une assurance, Fr. 3. – pour les bourgeois.
Il est intéressant de faire une petite comparaison de prix…à la même époque : le kilo de pruneaux coûte de 20 à 30 centimes, le kilo de charbon, 25 centimes.
Nouvel Hôpital… l’avenir est menacé
Dans les années 20, peu à peu l’idée se fait jour : Sierre veut se doter d’un nouvel Hôpital. Que va devenir l’Asile Saint-Joseph ? Le Comité décide son maintien !
En avril 1922, la construction de l’Hôpital est terminée. L’aménagement intérieur se poursuit durant l’été : nettoyage, confection du linge. Pour ce travail, du renfort arrive de la maison mère. Le 14 novembre 1922, les Sœurs infirmières partent avec les malades.
C’est alors que commencent les difficultés financières de l’Asile saint-Joseph. Les assistés ne paient presque rien… les communes ne se pressent pas de verser leurs parts, pour leurs ressortissants, soit Fr. 1. – par jour…
A la fin de l’année 1922, la caisse est vide !
Le Comité décide alors de mettre une annonce et demande aux Sœurs d’accepter des pensionnaires, sorte de « vacanciers payant un prix de pension rémunérateur ». L’exploitation de l’Asile continue ainsi, à titre d’essai, durant deux ans.
Au début 1924, tout semblait bien marcher. L’on dénombrait jusqu’à vingt pensionnaires : les Sœurs voyaient l’avenir avec confiance. Mais d’Ingenbohl arrive la menace de retirer les Sœurs, au cas où la Maison ne survivrait qu’en acceptant des « pensionnaires ».
Les Sœurs étaient venues pour servir les plus pauvres, selon l’esprit des fondateurs. Durant l’année 1924, les « pensionnaires » quittent l’Asile qui retrouve ainsi sa vocation première.
Dès le mois de septembre, l’Asile n’héberge plus que des pauvres et, occasionnellement des convalescents qui veulent profiter du bon air. D’ailleurs, cette catégorie de personnes, avec des conditions d’hébergement plus favorables : chambre individuelle et autres avantages mais aussi, tarifs plus élevés, va longtemps côtoyer les « assistés ». L’orage est passé ! Le 24 novembre 1924, un nouveau contrat est signé par la Mère générale et le président du Comité, Monsieur Oscar Waser.
L’Asile Saint-Joseph va continuer sa route !
En 1928, la Maison est pleine… il faut même refuser les « vacanciers ».
1926 : Il est intéressant de relever le prix à payer pour les fruits… Si l’on reçoit beaucoup de poires, il faut par contre acheter les pommes à 50 centimes le kilo, par cent kilos, alors que les pommes de terre coûtent Fr. 18. – les 100 kilos, par 1000 kilos.
1933 : Agrandissement du bâtiment à l’Ouest et adjonction d’un étage.
1940 : Le vieux potager à charbon, actif depuis une trentaine d’années, est remplacé par une cuisinière électrique. La guerre fait sentir ses privations. Il faut « se suffire » comme l’on dit : on achète une vache, quatre porcs et quarante poules.
1942 : Le charbon arrive difficilement. On procède à l’installation d’un brûleur à gaz de bois pour le chauffage.
1946 : C’est le tremblement de terre qui occasionnera pour Fr. 20’000. – de dégâts. Les réparations seront effectuées sur deux ans.
1969 : Ouverture du nouveau bâtiment. Cette année-là, la nouvelle dénomination « Foyer Saint-Joseph » est adopté.
1976 : Inauguration de la chapelle, œuvre de l’architecte M. Raymond Beaud.
1978 : Cette année, Sœur Claire, Sœur Judith et Sœur Louise-Henri quittent l’hôpital. Ces départs ont été précédés par celui de Sœur Albine-Marie en 1972 et de Sœur Thérésita et Sœur Geneviève en 1975. Ce retour marque le sens inverse de celui de 1922. Il est à relever que des jeunes filles « au pair » volontaires, travaillent au Foyer jusqu’en 1978.

La présence des aumôniers
C’est le révérend curé Luc Pont, desservant de la paroisse de Sierre qui obtint la présence sur place d’un aumônier au Foyer… Le premier d’entre eux fut l’abbé Pierre Zufferey, de 1941 à 1969. Il mourut en 1974. Ensuite, il y eut l’abbé Erasme Epiney, depuis 1969, le père Pierre Clivaz, depuis 1974, le père Dominique Ammann de 1991 à 1994 et le père André Brouchoud, actuel aumônier depuis l’année 1995.

Et quelques figures marquantes…
Parmi les pensionnaires qu’il nous a été donné de connaître, l’on pourrait citer de très nombreuses personnes, il a fallu faire un choix duquel il ressort, par exemple : Pippo : qui vécut longtemps, tel un Robinson, dans les jardins bourgeoisiaux de la Commune. C’était un as des murs en pierres sèches ; ses talents, il les exerça également à confectionner des statues en plâtre. Pierre Bruny, dit « Putz » : son rire était aussi inimitable que communicatif. Cet extraordinaire plongeur du haut des saules du lac de Géronde devient ensuite balayeur à la Commune. Gervais : toujours présent, il a l’œil et le pied encore des plus alertes. Tôt le matin, on le rencontre en ville, attentif à la sortie des premiers quotidiens. Marcel Studer : à la Gérondine, il eut l’occasion d’être au service de nos musiciens, chaque fois que l’on recourait à sa bonne volonté. Avec son ami « Putz », il formait un duo inséparable, en dépit d’inévitables « prises de bec ». Josy Théler : elle demeura près d’une soixantaine d’années dans la Maison et ce record ne sera jamais égalé et… pour cause. Elle représentait l’une des dernières personnes à être entrée chez nous comme pensionnaire à vie. Il convient d’ajouter à ces noms, la figure non moins légendaire de Sœur Marie-Pierre. Pendant 30 ans, elle se dévoua sans compter auprès des pensionnaires.
Comme on le sait, désormais, le Foyer n’est plus dirigé par une Sœur de la Congrégation d’Ingenbohl. Que ce soit ici, comme dans d’autres Maisons de Sierre, écoles ou hôpital, je suis intimement persuadée que nous avons donné le meilleur de nous-mêmes au service – le plus souvent -, des plus humbles et des plus délaissés !

Soeur Simone